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Tariq Ramadan reproche à ses contradicteurs de ne pas le lire, de ne pas l'écouter, et de l'accuser à tout propos de tenir un double langage. Or Caroline Fourest l'a lu, mais aussi décrypté. Elle raconte d'abord l'arrivée de Ramadan dans les banlieues françaises ; le soutien des réseaux « frères » ; la passion qu'il suscite très vite dans les médias ; l'alliance inespérée avec les partisans du dialogue entre les religions et les tenants de la laïcité dite « ouverte » ; les premières inquiétudes des fins connaisseurs de l'Islam ou des chrétiens amoureux du monde arabe. Héritier de la pensée des Frères musulmans, quoiqu'il s'en défende à l'occasion, Tariq Ramadan a toujours eu une mission claire : témoigner de son combat, de façon prosélyte et au nom de cet héritage, auprès des musulmans européens. Le débat sur la laïcité et la multiplication des face-à-face télévisuels, s'ils ont fait de Ramadan une star médiatique, n'ont pas permis de mettre au jour sa stratégie et le sens caché de ses discours. Caroline Fourest a donc acheté tous ses livres, toutes ses cassettes, s'est procuré sur internet l'ensemble de ses cours, et certaines conférences qui se vendent sous le manteau. Elle les a été étudiés, relus, et traduits en français. Le résultat laisse pantois, balayant toutes les questions de l'islam aujourd'hui (théologie, rôle de la femme, loi islamique, traditions coraniques, vêtements, etc). Car Ramadan est habile et multiple : finesse du positionnement, réécriture sémantique - fruit d'années d'entraînement pour rendre audible et passionnant ce qui est, sur le fond, est une entreprise de conquête politique vieille comme le monothéisme. On est loin de la démogagie efficace qui fait le succès des évangélistes américains. Le discours de Ramadan produit une illusion - celle d'un musulman réformateur, adepte d'un Islam pacifié et soluble dans la laïcité, alors qu'il s'agit d'un islamiste en guerre contre la modernité occidentale. Une ambiguïté qui permet à « Frère Tariq » de servir de passerelle entre les théologiens musulmans les plus radicaux et le mouvement altermondialiste. Tariq Ramadan a aussi un talent particulier : sa radicalité onctueuse annihile tout ce qui pourrait entraver la progression des réseaux islamistes. Il séduit une partie de la gauche anticolonialiste et de nombreux journalistes qui deviennent implicitement des alliés. Il transmet à la gauche laïque et antiraciste des termes comme "islamophobes", pensés par les islamistes, et destinés à faire passer toute critique de l'islamisme pour du racisme. Enfin, il parle au nom des musulmans européens à la place des musulmans libéraux... Très clairement, Ramadan vise la mise en place de l'Internationale islamiste rêvée par son grand père, Hassan Al Banna. Non pas tant pour renverser les gouvernements occidentaux que pour faire de l'Occident une plaque tournante de la résistance aux dictatures dans les pays arabes, notamment l'Égypte qui a martyrisé et persécuté sa famille. Quitte à transformer les musulmans occidentaux en instruments, et en éternels exilés. Quitte à provoquer dans la société française une fracture systémique.