Il n'y a de véritable philosophie que l'ontologie. C'est dans cette affirmation
que Gilles Deleuze a le plus parfaitement défini son travail. Mais loin de
trancher, comme on le fit souvent, entre l'univocité, le transcendantal ou l'immanence,
Gilles Deleuze a montré que l'existence de l'être se déroule simultanément
sur ces trois plans. Ces trois mesures de l'être, qui sont ici clairement
redéfinies, permettent de comprendre combien Gilles Deleuze pense
l'être à la fois comme le plus absolument le même et le plus essentiellement
différent. L'univocité crée toujours des entre-deux, des entre-deux mondes, le
transcendantal bouleverse la place de la conscience, quand l'immanence n'est
que la Vie qui traverse tous les individus sans jamais s'y arrêter. Par ces trois
plans et leurs relations, ce sont tous les concepts de Gilles Deleuze qui surgissent,
comme la déterritorialisation, l'événement, la schizophrénie ou l'affect
et le percept,...
L'ontologie ne peut se réfléchir qu'à partir d'une généalogie, celle des penseurs
de toutes époques. Cela, parce que chaque philosophe a dû, pour développer
sa pensée, réfléchir aux conditions d'existence de l'être. Ainsi, c'est
peut-être à travers les figures de la philosophie que Gilles Deleuze a étudiées
qu'apparaît le mieux les intensités de sa propre philosophie. Spinoza,
Nietzsche, Bergson, mais aussi Fichte, Bousquet, Anaximandre.
Ce livre donc multiplie les points de vue, au lieu d'offrir la vision subjective
d'un auteur. Mais c'est aussi sans doute le meilleur moyen d'approcher le
penseur le plus intempestif de notre temps, gardant sans cesse l'idée de ne jamais
se laisser dominer par la matière.