Quand, le 13 novembre 2014, Hachette rend les armes devant Amazon, nouveau cavalier de l’Apocalypse numérique, une page de l’édition se tourne. Le géant mondial du livre aux deux milliards de chiffre d’affaires a cédé devant quarante fois plus puissant que lui, Amazon, fort de ses quatre-vingts milliards d’euros de ventes annuelles. L’histoire de l’entreprise fondée par Louis Hachette en 1826 au coeur du quartier Latin n’en prend que plus de relief.
S’appuyant sur des archives irréfutables, l’historien Jean-Yves Mollier montre comment, en devenant tour à tour pionnière du livre scolaire, de la vente des livres et de la presse dans les gares ainsi que de la distribution dans les librairies, l’entreprise que l’on surnomma « la pieuvre verte » traversa tous les régimes. Ainsi, elle travailla intensément pour trouver, avec l’assentiment de Laval, un accord avec l’occupant allemand, échappa grâce à des mensonges à la nationalisation lors de la Libération, rémunéra secrètement de nombreux responsables politiques pour garantir son ascension avant de connaître, dans les années 1970, quelques secousses qui en firent une proie de choix pour Jean-Luc Lagardère. En s’emparant au début des années 2000 des meilleurs morceaux de l’empire déchu Vivendi Universal Publishing puis en rachetant de nombreuses maisons d’édition de par le monde, le groupe Hachette croyait avoir étendu sur la planète la domination qu’il exerçait si bien et depuis si longtemps sur l’Hexagone.
Survinrent alors, surgis de nulle part, Google, Apple, Facebook et Amazon, véritables Léviathan du monde moderne... L’histoire secrète d’Hachette se lit comme le roman vrai d’un monopole géant qui ne cesse d’étendre ses ailes sur le livre avant de trouver, après cent quatre-vingt dix ans de conquête sans partage, plus fort que lui.