Si la philosophie a toujours tenu le rien pour ce qui n'existe pas et
toute forme de réflexion sur ce qui n'existe pas pour oiseuse ou
ridicule, que peut-elle dire d'une civilisation où «qu'une chose
n'existe pas n'empêche en rien certains de la vendre et les autres
de s'en contenter» ?
«Notre temps est inacceptable, écrit Jean-Paul Galibert. Qu'il soit
si couramment accepté n'y change rien, mais constitue au contraire
un des principaux problèmes que la philosophie doit affronter [...].
Si ce livre a une nécessité et une rigueur, il les doit à un refus radical
d'accepter en l'état ce temps et la philosophie. Son pari est
d'instituer entre eux comme un tribunal mutuel. Il s'agit d'exposer
la philosophie à la critique que ce temps en impose, afin d'exposer
ce temps à la critique qu'il mérite.»
Penser le rien, c'est penser le vide qui hante ce monde ; vide qui,
du sentiment du peu d'existence de toute chose, conduit à la
sensation d'inexistence de soi. Mais cette pensée du rien est aussi
une pensée jubilatoire qui peut, comme ici, renverser avec allégresse
les murailles invisibles du sens commun.