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Diderot dans sa maîtrise de l’art du dialogue nous pousse à la réflexion philosophique
Jacques le fataliste et son maître est un roman satirique sous la forme d’un dialogue réjouissant entre Jacques, valet de son état, et son maître. En marge, Diderot intervient directement dans le récit, médite sur ses protagonistes, s’adresse au lecteur qu’il invite à réfléchir sur un sujet central : pouvons-nous agir librement ou tout est-il écrit d’avance ? Au cours d’un voyage sans réelle destination, Jacques fait le récit de sa vie et de ses amours, interrompu sans cesse par les réflexions de son maître et ses propres digressions. Le périple riche de rencontres et d’aventures extraordinaires donne le prétexte à de nouvelles histoires, et maints débats moraux et philosophiques.
Cet enchevêtrement fait de chaque page une surprise et permet de brosser habilement le portrait de Jacques. Bon garçon, ingénieux et doté d’un franc-parler, il philosophe naïvement et livre des opinions bien arrêtées sur la vie et les évènements de ce monde, ce qui permet au philosophe de le contredire, de faire part de ses opinions et de ses doutes. Sous le couvert d’un roman picaresque échevelé, Diderot nous livre un essai philosophique qui compte parmi les œuvres majeures de la littérature française. La vivacité et la liberté de langage, le caractère cocasse de la plupart des situations lui permettent d’aborder avec profondeur et sans ennui de nombreux sujets. L’ensemble témoigne du caractère généreux, parfois paradoxal et toujours génial du philosophe.
Un texte riche et instructif !
EXTRAIT
Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.
LE MAÎTRE. — C’est un grand mot que cela.
JACQUES. — Mon capitaine ajoutait que chaque balle qui partait d’un fusil avait son billet.
LE MAÎTRE. — Et il avait raison… »
Après une courte pause, Jacques s’écria : « Que le diable emporte le cabaretier et son cabaret !
LE MAÎTRE. — Pourquoi donner au diable son prochain ? Cela n’est pas chrétien.