
«L'ai-je vu ou ne l'ai-je pas vu ?», telle était, selon Jacques Tourneur, la réaction qu'aurait
dû engendrer le démon de Rendez-vous avec la peur (1957), si seulement le film avait pu échapper
aux velléités bassement commerciales de son producteur. À partir de semblables déclarations
et d'analyses souvent justes mais toujours incomplètes, les critiques comme les universitaires ont
réduit l'esthétique du cinéaste à un art de la suggestion, à une expérience herméneutique.
Pourtant, sa démarche cherche aussi à impliquer physiquement le spectateur dans la fiction,
grâce à diverses stratégies énonciatives, tant sonores que visuelles, qui visent toutes à le mettre
directement en danger.
Le présent ouvrage se propose d'étudier les «figures» de la peur, expression prise dans
une pluralité de sens, formels et thématiques. Pour Tourneur, la peur façonne à chaque instant
tout être humain, ce qui explique l'omniprésence de ce sentiment dans son oeuvre, même en
dehors des genres ou cycles - le fantastique et le film noir - où il se manifeste par essence.
Dans un jeu de miroirs complexe, les personnages principaux et leurs opposants l'éprouvent
et le provoquent : ils rejoignent ainsi un cercle de la peur dont nul n'est jamais tout à fait exclu.
Une lecture détaillée de trois films (Vaudou, Rendez-vous avec la peur et The Fearmakers)
vient clore le volume et s'efforce de cerner, en le légitimant, le fonctionnement de la peur.
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