Comment être toujours le même tout en étant toujours différent ? Comment
renouer le fil de son histoire personnelle quand on se trouve plongé dans un
tourbillon qui emporte vers des questionnements vertigineux et une souffrance
indicible ?
L'expérience schizophrénique, en mettant à nu les structures de l'existence,
permet de s'interroger sur le concept d'identité. Elle éclaire ainsi une
problématique existentielle commune à tout un chacun. Malgré la maladie,
les patients reconstruisent le champ dévasté de leur propre identité. Cette
reconstruction emprunte des chemins tortueux et abrupts. L'identité des
malades est avant tout "syncopée". Mais malgré ce déséquilibre, elle porte
en elle la promesse d'un retour sur le temps fort de la mélodie identitaire.
Quels sont les moyens de ce retour ? Comment, dans la relation
interpersonnelle, les patients arrivent-ils à retisser la trame de leur propre
histoire ? A un moment de la relation thérapeutique la question de l'origine
des troubles apparaît, et un échange de représentations intervient. Loin d'être
de simples fables sociales, ou de pâles copies d'une réalité inaccessible, les
représentations des causes de la maladie jouent un rôle central dans la
constitution identitaire des patients. Elles se présentent comme des énoncés
métaphoriques qui permettent de renouer le fil de l'histoire propre à chacun.
Centrales dans la mise en intrigue, les représentations étiologiques permettent
le ré-engagement de la constitution de l'identité narrative, et donc l'articulation
harmonieuse entre les deux pôles identitaires décrits par Ricoeur : «mêmeté»
et «ipséité». La psychose passe ainsi du statut d'avènement à celui d'évènement
et se réinscrit dans l'histoire personnelle du sujet. Premier pas vers le monde.
Chaque lecteur pourra trouver ici des éléments de réflexion sur l'élaboration
de son identité propre.