L'évolution en cours de notre système de procédure pénale
appelle des modifications fondamentales. Les rôles respectifs des
différents acteurs du procès pénal s'en trouvent, depuis quelques
temps déjà, profondément affectés. Le ministère public qui
peine, depuis sa naissance, à forger sa propre identité au sein de
la structure judiciaire répressive, se trouve en face d'une phase
particulièrement sensible de son histoire. Son office semble
devenir d'autant plus ambigu que la diversification de ses attributions
ne répond plus à l'acception classique de son rôle.
L'élargissement du champ d'action du parquet et le renforcement
de ses pouvoirs en matière d'enquête au détriment, dit-on,
du juge d'instruction, ainsi que la transformation substantielle
de son rôle dans la mise en oeuvre de l'action publique et la résolution
des conflits pénaux, qui le rapprochent davantage de l'office
du juge, remettent sérieusement en cause la conception classique
de cette institution.
Retraçant les lignes directrices des différents aspects de
l'évolution de la fonction du ministère public dans le système
français de justice pénale, cette étude met en avant la thèse de la
judiciarisation afin d'expliquer l'état actuel de cette fonction, et
tenter de prospecter la position nouvelle qu'il procure au
ministère public dans l'ensemble de la structure du procès pénal.
La logique de la judiciarisation permet, en effet, d'ordonner les
nouvelles donnes de la question dans un ensemble cohérent et
éclaire les perspectives de l'évolution du modèle de la justice
pénale en vigueur en réajustant les valeurs de certains
paramètres de l'équilibre du système.