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Nous allons de maison en maison. À l’abri, nous ne connaissons pas le repos. Il reste à trouver une maison pour les vivants qui ont abandonné la leur. Et même, une maison pour les morts. Une barge traverse la tempête, véhiculant des liens mystérieux entre les faits, la houle et les mots. Traverser c’est traduire. Écrire, c’est traduire un livre au secret. Quand les mots n’ont plus de maison, qu’est-ce qui en découle ? Il y a une étrange analogie entre les migrandts qui, depuis les dunes de Flandre, empruntent toutes sortes d’embarcations, et les soldats qui, en juin 1940, tentent aussi l’impossible vers l’Angleterre. Chaque exilé sur ces bateaux est mon père jeune, traumatisé par cet exode létal. Il épouse une Démaison. L’Irlandaise Kate fait aussi passer des réfugiés par la Manche. Puis c’est Ravensbrück. Antonin Artaud va rendre la « canne de Saint Patrick » aux Irlandais. Il irait jusqu’au Purgatoire de saint Patrick. Marteau, va ! Il échoue derrière les murs d’une prison hantée par les Républicains. Viennent les maisons de fous. Sur une île d’Aran, la maison d’Artaud enfin trouvée est à l’abandon. Une momie de chat gît au pied du poêle à briquettes de tourbe. De deux briquettes et de beurre, Joseph Beuys prépare son sandwich Énergie irlandaise. Ayant appris l’anglais dans Finnegans Wake, il élabore un Secret Block in Ireland. Et son université hors les murs. Il est au premier rang quand Ivan Illich confère avec allégresse sur le contre-productif ; sur de nouvelles manières de transmettre et de soigner. Ils aiment la bicyclette autant que l’exilé James Joyce. Les mots n’ont plus de valeur faciale. Sur Aran enfin, Illich marche sur les pas d’Artaud. Partout, des murs – et même des murs d’eau – qui ont des oreilles. Derrière, les mots entravés sont comme des plans d’évasion que traduit mal le dehors sur ses gardes. Comment emprisonner la violence en chaque mot ? Un cours d’eau pourrait fluidifier les blocs de forme. Car c’est surtout depuis le lit des rivières que la terre promise parle en nous. Après 40 ans dans les zones d’ombre de l’histoire européenne, le « Cycle des exils » se boucle avec ce huitième volume.