J'ai dit sable et je n'ai rien dit d'autre que les cinq lettres de son nom,
rien d'autre que ses syllabes errantes agitées par la brise
comme par une mer sèche des poissons morts que lui enlèverait
à belles dents la mer à sec,
et, entraîné par des courants de vent ou d'eau, tourbillonnant parfois
comme une toupie aveugle,
ce sable s'en va du monde, s'en va au monde, et ballotté de-ci de-là
il revient comme une concubine se coucher sous la poussière,
couvercle toujours mal cloué du cercueil de la terre,
et le sol l'engloutit en le faisant rouler vers ses ténèbres
où ceux qui s'aiment attendent embrassés
sous cette peau grise et étrangère qu'un souffle balaierait.
Jorge Enrique Adoum