Grande cause morale et sociale du moment, ou épouvantail national… Il est plus facile de plaquer sur les « jeunes de cité » tel ou tel schéma que d'aller à la rencontre de leur altérité pour croiser, soutenir et décrypter leur regard.
On les voudrait « agis », par d'autres ou par leur « inculture » propre. Ils agissent en fait selon les contraintes d'un environnement créé par notre société. Avant de dire qui ils sont (« racaille », etc.), il faut comprendre comment ils fonctionnent et se gouvernent.
C'est la démarche du présent livre, travail d'un jeune sociologue. Ce dernier a longtemps côtoyé l'univers de la rue et l'analyse sans mépris ni empathie forcée.
Sur la base d'une passionnante enquête de terrain, il rend compte du processus qui, à partir de la déstructuration sociale et des abandons républicains des années 1980, a mené à la constitution de groupes marchant au « capital guerrier » : mélange de force physique, de dispositions psychologiques et de réseaux relationnels qui assure une aptitude au combat et passe facilement du système de défense à l'outil de persécution.
Cette approche restitue à « la rue », l'espace du pauvre, son caractère hautement concurrentiel. À l'opposé de l'antienne des « violences gratuites », elle s'intéresse à la rentabilité symbolique et matérielle des comportements violents.
Rien de plus ambivalent et atypique dans le fade contexte français contemporain que cette cristallisation d'énergie, rien de plus triste que la manière dont on s'entend à la dévaluer plutôt qu'à la canaliser et à l'intégrer positivement dans le social.
Thomas Sauvadet a enseigné à Paris VIII (2000-2006) et dépend depuis 2001 du CESAMES (CNRS/INSERM/Paris V). Il effectue actuellement une étude pour le compte de la Mission de prévention des conduites à risques du Conseil général de la Seine-Saint-Denis.
Ouvrage publié sous l'égide de François de Singly.
Préface de Didier Lapeyronnie.