Midi dix. C'est la cohue au café. La terrasse est prise
d'assaut. Un bon barman se reconnaît au sang-froid et à la
dextérité dont il fait preuve dans ces moments-là. S'il n'est
pas un peu prestidigitateur, il se trouve vite débordé. Surtout,
il perd cette aura de sérénité qui distingue les maîtres
des tâcherons. Il s'agit d'aller plus vite que la musique, mais
en y mettant les formes. Le sourire est facultatif. N'importe
quel crétin est capable de sourire en faisant les choses en
dépit du bon sens.
Belfort, place Corbis, au café Le Central, par une lumineuse
journée des années 1960. Certains viennent pour
être vus, d'autres pour boire en cachette. Ici le verbe haut,
là le regard bas ; en terrasse on fête un événement, dans un
recoin près du bar on tâche désespérément d'en oublier un
autre. Mais se rencontre-t-on vraiment ? Ou n'y a-t-il qu'un
écrivain pour donner à la foule son incroyable densité, rappeler
que derrière chaque visage se cache une vie entière ?
Il est là quelque part qui observe, réinvente la comédie
humaine en miniature, et s'attache à ce que vous ne voyiez
plus jamais les cafés de la même manière...