« Quel est, de nos jours, celui ou celle qui n’aime pas les fleurs et qui n’aspire pas à pouvoir faire un peu de jardinage ? Ce n’est ni vous, ni moi, ni personne de notre connaissance. Mais la passion des fleurs, celle de toutes qui procure la plus forte somme de plaisirs élégants et inoffensifs, est pour bien des gens une passion malheureuse, qu’il n’est pas possible de satisfaire. — Vous, monsieur, le fardeau des affaires, fardeau souvent bien lourd, qu’il ne vous est pas permis de secouer de dessus vos épaules, vous interdit d’une manière absolue le séjour de la campagne. — Vous, madame, la nécessité de surveiller l’éducation de votre jeune famille vous retient forcément à la ville. — D’autres, parmi ceux de vos amis qui partagent votre goût pour les fleurs, sont contraints de mener une existence sédentaire, parce qu’il leur manque le premier des biens, la santé. Autrefois, il y a longtemps, ils ont eu dans l’intérieur de Paris quelque chose qui ressemblait à l’un de ces jardins qui, selon l’expression de Talma, sentent le renfermé ; aujourd’hui le percement d’une rue, l’ouverture d’un boulevard, vient les en déposséder ; ou bien le sol de ces parterres en miniature a pris une telle valeur, qu’il est vendu à tant le centimètre carré, et littéralement couvert d’or, comme terrain à bâtir. Tout cela n’est pas vrai seulement pour Paris ; Bordeaux, Lyon, Marseille, toutes nos villes de quelque importance en voie d’accroissement, n’auront bientôt plus un seul jardin grand ou petit dans leur enceinte ; la fleur vaincue recule devant le moellon. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.