Écrit en 1955-58 et publié en Occident dans une version
expurgée en 1968, le Premier Cercle se déroule à l'intérieur
d'une prison-laboratoire, comme celle où l'auteur séjourna.
La plupart des personnages sont empruntés à la réalité, et on
reconnaît la trame de la vie de Soljénitsyne. Le premier cercle,
c'est celui de l'enfer dans la Divine Comédie, le cercle où se
trouvent les sages de l'Antiquité qui n'ont pas péché, mais
qui ne connaissent pas la révélation chrétienne. Les trois jours
de l'action ont lieu dans l'espace restreint de la prison, mais
avec des incursions dans le monde «libre» qui, en réalité, vit
dans la peur ou bien dans le confinement volontaire, comme
fait le Tyran, terré dans sa salle voûtée où il ne travaille que
la nuit : Staline. Un fil central relie les deux univers, le carcéral
et le monde de la peur extérieure, c'est le fil de l'arrestation
du diplomate Volodine qui «trahit» son pays (il prévient une
ambassade occidentale que l'URSS a eu accès, grâce à ses
agents de l'Ouest, au secret de fabrication de l'arme atomique).
Ce grand récit sur la fortification de l'âme en prison est
surtout extraordinaire par la vaste respiration poétique et
philosophique qui l'anime : les valeurs y sont inversées, c'est
l'espace réduit de la geôle qui communique avec l'espace
immense de la «perfection», alors que la société dite libre se
rabougrit, se fige de peur. Le temps libéré par le travail créateur,
affranchi des aléas du quotidien mesquin, se transmue ici,
grâce à la prison, en image de l'éternité.