Hier encore, des hommes et des femmes, pauvres, illettrés, démunis de tout, partaient vers d'autres continents dans l'espoir d'une vie meilleure. Dans ces pays inconnus, ils affrontaient d'autres misères mais, soutenus par une force intérieure que, peut-être, nous n'avons plus aujourd'hui, ils ne reculaient jamais. Ces hommes et ces femmes, nous les avons connus et aimés. Les croyants éternels — on n'imagine jamais que ceux qui nous sont chers puissent disparaître — et aussi par pudeur, nous avons omis de leur demander de nous conter leur existence et l'essentiel de leur vie. Peu à peu notre mémoire oublie ceux qui nous ont quittés. Parfois pourtant, un événement futile, une image, une rencontre, un livre, font que tout ce qui nous paraissait lointain s'éclaire et se rapproche, au point que le temps nous paraît aboli. Alors, nous revivons intensément la vie de ceux dont nous avons été les témoins au temps de notre enfance. Le temps d'Isabelle est cette quête attentive du souvenir. C'est au souvenir de sa mère, Isabelle, que Benigno Cacérès consacre cette quête. Enfant, il écoutait, émerveillé, les récits qu'elle faisait, en de rares occasions, de ces années passées en maints pays d'Amérique du Sud où, de son village d'Espagne, elle avait rejoint son mari. La mémoire de l'homme tente de reconstituer, à travers les impressions de l'enfant, la réalité de ce qui lui paraissait fabuleux. Après La rencontre des hommes et La solitude des autres, Benigno Cacérès achève avec Le temps d'Isabelle l'évocation de ce monde personnel qu'il donne à partager.

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