Le tutoiement des morts
C'était la vérité. Il n'allait pas bien - et peu importe au fond la nature précise ou réelle de son mal. Il était malade, je lui faisais du bien, il fallait faire quelque chose. Je compris très vite que nous étions désormais solidaires, deux morceaux d'un seul bout de bois. Il faudrait que je le divertisse et le soigne. Il s'appuierait sur moi comme je m'appuyais sur lui et ainsi, nous tiendrions : je pourrais me rassurer en le rassurant lui, monter sur ses épaules quand il monte sur les miennes. Et parfois, en effet, ça tenait ferme ces fondations tordues.
Les morts vont trop vite, il faut parfois du temps pour les rattraper. Deux décennies après la disparition de son père - sorte de savant fou génial et misérable, scientifique à la poursuite de ses démons, psychiatre débordé par ses manies - un adulte qui a trouvé refuge auprès des philosophes tente de réinventer cette figure insaisissable, réanimant le gamin secourable, questionneur et inquiet qu'il a pu être. Parce qu'il aimerait réunifier le monde de la spéculation et celui de la vie, il se penche avec douceur sur leur passé commun, usant autant du coeur que de la raison.
Voici un roman d'amour, même s'il ne dit pas son nom.