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Publié en 1897, Le Voleur n’est pas un roman traditionnel. Récit décousu, histoire morcelée en d’innombrables épisodes abracadabrants provoqués par le hasard ou les rencontres, le roman se fait parfois réquisitoire impitoyable contre la société de son époque. Qualifié par André Breton de « plus rigoureux assaut contre l’hypocrisie, l’imposture, la sottise, la lâcheté », rangé par Alfred Jarry parmi les rares livres élus de la bibliothèque du Docteur Faustroll, Le Voleur est avant tout un récit jubilatoire, haletant et truculent, écrit par un grand écrivain encore étrangement méconnu. Trop irrévérencieux ?
Un voyageur trouve une sorte de journal manuscrit dans une chambre d’hôtel. Commence alors l’étrange confession de Georges Randal, jeune homme de bonne famille promis à l’existence honnête d’un bourgeois bien pourvu. S’il n’a pas de véritable histoire, notre héros a en revanche un oncle, « brute trafiquante à l’égoïsme civilisé », qui le dépouille de son héritage. C’est ce qui décidera notre héros à devenir voleur, pour ne pas être complice de tous les « voleurs légaux » qui sont légion dans cette société de la fin du XIXe siècle où se côtoient anarchisme, nihilisme, décadentisme ou encore dandysme baudelairien…
À la révélation de cette « obligation morale » du vol s’ajoute celle de l’amour, d’abord représenté par Charlotte, qui, révoltée comme lui, refusera pourtant de le suivre. Il ne sera pas seul longtemps : vite repéré par le mystérieux Abbé Lamargelle, il sera introduit dans la confrérie des voleurs. S’ensuivront moultes aventures, parsemées de femmes, de bourgeois floués et de comparses haut en couleur, au cours desquelles Randal fait l’apprentissage d’une vie d’homme libéré des servitudes et des lâchetés bourgeoises. Sa solitude finale sera plus la rançon de sa liberté que l’échec de sa tentative.
Un roman d’aventures hautes en couleur à ne pas manquer !
EXTRAIT
Mes parents ne peuvent plus faire autrement.
Tout le monde le leur dit. On les y pousse de tous les côtés. Mme Dubourg a laissé entendre à ma mère qu'il était grand temps ; et ma tante Augustine, en termes voilés, a mis mon père au pied du mur.
— Comment ! des gens à leur aise, dans une situation commerciale superbe, avec une santé florissante, vivre seuls ? Ne pas avoir d'enfant ? De gueux, de gens qui vivent comme l'oiseau sur la branche, sans lendemains assurés, on comprend ça. Mais, sapristi ! … Et la fortune amassée, où ira-t-elle ? Et les bons exemples à léguer, le fruit de l'expérience à déposer en mains sûres ? … Voyons, voyons, il vous, faut un enfant — au moins un. — Réfléchissez-y. Le médecin s'en mêle : — Mais, oui ; vous êtes encore assez jeune ; pourtant, il serait peut-être imprudent d'attendre davantage. Le curé aussi : — Un des premiers préceptes donnés à l'homme… Que voulez-vous répondre à ça ? — Oui, oui, il vous faut un enfant. Eh ! bien, puisque tout le monde le veut, c'est bon : ils en auront un. Ils l'ont.