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Pendant plus d’un siècle, les petites fleurs polonaises noires, jaunes et rouges grandirent en terre allemande, à l’ombre de la Croix de Malte. À la fois dominées et protégées par le glaive des Chevaliers teutoniques, de Stettin à Dantzig, elles prirent de la vigueur. Au début du XXe siècle, on les transplanta en Westphalie, au milieu des usines et des crassiers. La grande tourmente de 14-18 les arracha à cette terre, et les envoya mourir avec la Croix de Malte et l’Aigle impérial sur tous les Fronts de la Grande Guerre. Un manteau de misère s’abattit sur l’Allemagne. De nouveau, les petites fleurs rouges et blanches — venues des bords de la Baltique — furent enlevées et replantées en France, dans le Pas-de-Calais, le Nord, la Lorraine. Elles s’y acclimatèrent assez rapidement, restant groupées entre elles. On les appelait les « Westphalen Blume », les fleurs de Westphalie. Elles se nommaient Wanda, Guenia, Angelika, Erika... Lorsqu’elles eurent repris racine à l’ombre des terrils, elles donnèrent de nouveaux rameaux. Ceux-ci étaient bleus, blancs et rouges, car ils avaient poussé dans la terre de France. Elles s’appelèrent Paulette, François, Édouard, Maria... Mais le vent de la guerre, qui soufflait plus fort encore que la première fois, les déracina et les dispersa aux quatre coins du monde, loin, très loin, jusqu’au pays où les lotus remplacent les coquelicots. Certaines purent quand même refaire souche, mais ce fut au cœur des cimetières. L’une revint même du centre Annam, pour s’épanouir au sommet de Notre-Dame-de-Lorette, là où des milliers de fleurs de tous pays fleurissent éternellement au soleil d’Artois. Cette petite fleur aux couleurs polonaises espère avoir enfin trouvé sa place parmi les coquelicots de son enfance. C’est son histoire et celle de ses sœurs, les petites fleurs de trois nations, que René Drelon raconte ici. Que Notre-Dame de Czestochowa protège — sur cette terre du Nord — ces petites fleurs de la lointaine Pologne, qui ont tant donné à la France !