Le Siècle des Lumières est à peine entamé que Saint-Domingue est
déjà la plus riche et la plus rentable des possessions du royaume. Si les
engagés de la misère sont indésirables, ceux dont la spécialité est utile
continuent d'arriver individuellement ou par petits groupes au milieu du
flot d'esclaves arrachés au Vieux Continent pour les besoins de l'économie
de plantation. C'est depuis cette époque, et jusqu'aux soubresauts de la
révolution haïtienne, que s'inscrivent les recherches de Solène Brisseau.
Parmi les deux cent mille migrants de cette période, les Bretons ne
sont pas aussi nombreux que les Aquitains et autres Gascons ou Basques,
et il est n'est pas aisé de suivre leur trajectoire, débrouiller l'écheveau des
réseaux, des alliances. C'est à cette tâche que s'est attelée Solène Brisseau,
en s'efforçant de pister, à travers les archives, la grande entreprise d'une
soixantaine de Bretons, pour moitié noble, en y incluant les enfants nés
dans la colonie et quatre métropolitains n'ayant jamais tenté le périple
qui se sont contentés de percevoir les fruits de leurs placements.
L'aventure de ces Bretons s'inscrit dans l'Atlantic History qui se
développe aujourd'hui autour de la vaste mer intérieure qui relie trois
continents., dont l'Afrique, moteur du capitalisme planteur, fournissant
et renouvelant sans cesse la main d'oeuvre servile. Lorsque la Révolution
noire brise ces vils liens, la terreur change de camp. C'est la conclusion
d'une époque, le début d'une autre, marquée par l'essaimage à l'étranger
ou le retour en France des survivants ou de leurs enfants.