
«Faut-il se séparer de ses journaux intimes ?
Les garder a-t-il un sens si on ne les relit jamais ?
Il aurait été pour moi inimaginable de me séparer
de mes journaux intimes. Pourtant, dans un geste
masochiste, j'imaginais d'orchestrer pour chaque
séparation une forme de suicide : l'un serait coulé
dans un canal, l'autre serait immolé, un troisième serait
planté sur le pic d'une grille. Au début, j'ai effectivement
orchestré des sortes de "suicides", puis j'ai adouci
la disparition de mes carnets, je les ai déposés dans
des oeuvres d'art, dans des bibliothèques, dans des lieux
publics. En parallèle, je les relisais intégralement (ce que
je n'aurais pas fait si je n'avais pas su qu'ils allaient
ensuite disparaître). Peu à peu, ce projet était de moins
en moins un geste masochiste, mais au contraire
un geste joyeux, ludique, que je voulais faire partager.
J'en parlais à tous ceux que je rencontrais.
Certains étaient touchés, et voulaient y participer.
À ceux-là, je donnais un carnet, et leur laissais carte
blanche. Une centaine de personnes ont participé
à ce projet. Un couturier a confectionné une robe à
partir des pages d'un de mes carnets. Un cuisinier
a tenté de faire un gâteau. Des enfants ont réalisé
une fresque murale. Un carnet rouge a fait un tour
du monde.» M.S.
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