
«Maintenant, je sais ce que je veux papa, et je sais où je vais aller.
Avec le baccalauréat en poche, je m'en vais en France. Ne t'inquiète
pas pour moi, j'ai tout préparé, tout prévu, et je vais réussir». Je savais
ce qui m'attendait sur place au pays, car noyé dans la misère et la
pauvreté, les souffrances et les problèmes inextricables d'une famille
polygamique, je n'irais pas loin.
Je n'avais ni passeport ni billet d'avion. Aller en Europe, partir pour
Paris, dans ces conditions, c'était quelque chose proche du suicide,
proche du fantasme insensé d'aller à la rencontre d'un pape noir à
Rome. Le pays des Blancs, c'était d'abord la France et c'était une
autre planète tellement spéciale, tellement exceptionnelle et tellement
réservée, qu'il ne pouvait venir à l'esprit de personne dans une famille
aussi pauvre d'y penser. Nous avions grandi avec toutes ces histoires
pompeuses, flatteuses, attrayantes et captivantes sur l'Europe, Paris,
les Champs-Élysées. Dans l'imaginaire populaire, un Noir qui y allait
avait déjà dépassé tous ceux qui vivent en Afrique.
J'étais fait, préparé, arrangé, travaillé, et construit pour tout
supporter, pour affronter les déserts et les mers, les tempêtes et les
torrents, pour tout accepter, pour tout vivre et tout transcender. Ce
n'était plus le jeune de vingt ans qui se tenait là, devant des oncles
réticents et absents. C'était un monstre, un diable, un kamikaze prêt à
aller jusqu'au bout de son aventure, de ses ambitions, jusqu'en France,
en France ou rien.
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