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Les êtres les plus inoffensifs en apparence, semblent parfois voir passer sur leur vie le souffle même du destin. Le héros du singulier roman de Pierre Gosset, Jean Dozerat, aurait pu assister paisiblement à l’occupation de la France, si sa femme, Madeleine, d’origine irlandaise, n’avait été tout à coup arrêtée par la Gestapo. Avant de disparaître, Madeleine a eu le temps de laisser une message à Jean, et celui-ci ne songe pas un instant à se dérober. Il abandonne son poste d’ingénieur de la Marine française et, se servant des indications laissées par sa femme, il parvient jusqu’à Tanger et il se remet entre les mains de l’Intelligence Service. L’Intelligence Service à Tanger est représenté par Godfrey, un autre homme solitaire, un autre homme qui a souffert, et dont le scepticisme se nuance d’une sorte de fatalisme à l’égard de l’imprévu. Godfrey se décide d’utiliser la compétence de Jean Dozerat, pour venir à bout des sous-marins allemands qui, sans cesse, interceptent les convois britanniques dans le détroit de Gibraltar, mettant ainsi en péril mortel la garnison de Malte. Cependant, Madeleine n’a pas été arrêtée par la Gestapo. Elle était membre du service de renseignements anglais, et ce sont les Anglais qui l’ont brusquement enlevée, afin qu’elle ne tombe pas dans les mains des Allemands. Madeleine se trouve donc à Londres. Elle ignore ce qu’est devenu Jean. Elle craint d’avoir épousé un lâche et, après un geste de faiblesse et de tendresse à l’égard d’un officier français de sous-marin, elle repart pour la France et elle ne reviendra pas de sa dernière mission. À présent, Jean a mis au point le piège où tomberont les sous-marins allemands. C’est un sous-marin français qui servira d’appât. L’officier français désigné pour cette mission périlleuse, est celui-là même qui a connu Madeleine à Londres. Les deux hommes, tout entiers à leur tâche de guerre et de mort, prisonniers d’un réseau d’obligations et portés par leur courage, ignoreront toujours qu’un fil plus ténu les relie l’un à l’autre, et qu’au-delà même de la jalousie, qu’au-delà même de l’amour, la camaraderie de la guerre les solidarise jusque dans la mort. L’officier sous-marinier mourra donc, à quelques mètres de Jean Dozerat, dont il a aimé la femme, et de la subtilité duquel il est victime. L’un et l’autre ne sauront jamais. La guerre, la mer, la mort sont les grands décors d’un drame, où les hommes jouent leur rôle, sans savoir s’il y a des spectateurs pour les comprendre et les soutenir. Les coïncidences, ici, sont autant de signes de l’éternel recommencement des choses, de l’éternel conflit entre le confort et le devoir, entre la crainte d’être dupe et la crainte d’être lâche. Mais pour communiquer à ce récit le frémissement même de la vie, il fallait avoir participé à l’action. L’auteur l’a fait, il n’a rien oublié, et sa présence donne au roman une intensité dramatique rarement égalée.