Un scénario classique du début du vingtième
siècle permet que le protagoniste assiste à son propre
enterrement (Pirandello, Il fu Mattia Pascal). Ce
passage rituel oblige, après la disparition officielle, à
tout réinventer. Prenant, comme point de départ, le
désir de l'individu de changer de vie, pour tenter de
renaître, ou d'exister plus pleinement, l'étude vise à
dégager dans le récit un certain nombre de traits qui
permettent de comprendre le phénomène de la
subjectivation. Le corpus prend en compte des oeuvres
françaises (V. Hugo, A. Dumas), italiennes,
germaniques (A. Lernet Holenia ; E. Kreuder),
anglo-américaines (R. Wright ; H.G. Wells),
scandinaves (A. Sandemose), dans lesquelles le
personnage relègue son passé à l'oubli, s'invente une
nouvelle histoire, et joue perpétuellement un rôle. Son
action conduit à une réflexion sur le statut du
comédien. Cette existence dédoublée n'est pas une
existence démultipliée mais l'expérience d'un lent
suicide. La thématique abordée n'est pas sans
provoquer souvent des effets de mise en abyme : qu'un
personnage se construise comme personnage, n'est-ce
pas en miroir une activité d'écrivain ? Le protagoniste
en passe par toutes les étapes de la création,
réfléchissant au nom qu'il pourrait se donner, à
l'histoire qu'il pourrait se tisser, au milieu dans lequel
il pourrait se glisser, comme s'il se substituait au
narrateur et prenait en charge son invention même.