
Les politiques de réconciliation
Analyses, expériences, bilans
Comment les sociétés gravement affectées par une période de violence et
d'arbitraire sortent-elles de la répression, de la division de la société et de la guerre
civile ? Elles ont souvent eu recours à l'amnistie sans phrase, aux tribunaux ou
à l'épuration. Le temps finit aussi, comme on dit, par effacer les blessures et les
rancoeurs ; l'arrivée de nouveaux venus affaiblit le souvenir des souffrances des
luttes et de la répression. Mais lorsqu'il y a eu manifestes violations des droits de
l'homme, le silence et l'oubli sont répugnants.
Or, voilà que dès 1983, en Argentine, une fois la dictature militaire renversée,
on avance un mot non pas nouveau, mais auquel on fait porter une charge
éthique nouvelle et une trame politique inédite : la réconciliation. Pour réaliser la
réconciliation, les nouveaux régimes politiques mettent en place des Commissions
qui travaillent dans des contextes toujours particuliers mais qui soulèvent partout
des débats intenses et riches. Les vieilles notions de Vérité, Justice, Paix, etc., sont
investies de valeurs et de significations contradictoires et sont l'objet de conflits
qui vont jusqu'au différend entre les acteurs de ces politiques. À la réconciliation
attendue s'ajoutent les exigences de réparations. Parmi les associations de familles
de disparus et de victimes, les délais pour rendre la justice, les obstacles à dire ce
qui s'est passé et à identifier des responsables d'actes atroces imposent l'idée que
les politiques de réconciliation ont peu à voir avec la vérité et la justice. Quant au
pardon, un rejet salutaire à son égard s'est installé : appeler les victimes à pardonner
à leurs bourreaux revient à faire reposer la réconciliation sur la conscience des
premiers sans qu'aient été satisfaits leur besoin de vérité et la restauration de leur
dignité. Cependant, le pardon reste une possibilité rare et imprévue.
Plus de trente ans après la première expérience de réconciliation, il est possible
de proposer des analyses des notions engagées dans ces politiques (quelle « vérité » ?
quelle réconciliation ? quelle politique ?), de faire le récit d'expériences (en
Colombie, au Pérou, en Afrique du Sud) et d'esquisser un bilan de ce qui a été
manqué (Guatemala) ou seulement aperçu (l'Afrique des Grands Lacs), et de
l'écart entre une utopie et les réalités individuelles (Rwanda).
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