L'observation de la part essentielle que tient aujourd'hui le corps dans
l'identité de chacun conduit à transposer la même quête aux siècles de la
Renaissance.
Ainsi cet ouvrage essaye de repérer les grandes fractures qui influencèrent le
lent processus d'appropriation du corps par le sujet. Il parle du réseau de
liens fortement symboliques qui unissait alors la chair de l'homme à différentes
dimensions extérieures ou intérieures à lui-même : le cosmos, le
monde animal, la communauté des autres hommes et femmes, son essence
et son identité propres et, finalement, son âme.
Ce sont les Églises qui, à l'ère des Réformes, ont investi le corps sexué, y traquant
la «bête intérieure», s'efforçant d'y étouffer les moindres braises de
désir. Parallèlement, l'élite courtisane s'employait à ramener le corps au
dedans de ses frontières, pour en réguler les pulsions et en gommer les
aspérités, travail de dressage et de codification préalable au triomphe des
apparences. Enfin, la prise en charge par le médecin de la souffrance et de
la mort, à l'heure où s'étendait la «révolution vésalienne», aboutissait à
libérer le corps de la transcendance et des influences occultes.