Depuis les dernières années du XVe siècle jusqu'en
1830, deux pouvoirs rivaux se constituent, et vont
régner dans l'Afrique du Nord : celui des chérifs
marocains et celui des Turcs d'Alger. Ces deux pouvoirs
étaient nés, presque simultanément, d'une réaction
religieuse contre la conquête chrétienne de l'Espagne
musulmane, contre les entreprises des Portugais et des
Espagnols sur les côtes de l'Afrique du Nord. Les rois
de la maison d'Aviz avaient entraîné les Portugais à la
conquête commerciale du monde ; les corsaires du
Maghrib finirent par contraindre ces souverains à
l'occupation des côtes du Nord-Ouest africain et du
détroit de Gibraltar. Les rois d'Espagne, contrecarrés
dans l'Andalousie musulmane par les volontaires de
la guerre sainte, firent diversion en attaquant le littoral
africain de la Méditerranée. Cette double action
surexcita le fanatisme des Berbères et des Arabes,
amena une révolution qui fut dirigée par les confréries
religieuses. Dans cette révolution toutes les dynasties
du Maghrib sombrèrent. Elles furent remplacées par
des pouvoirs nouveaux établis sous l'influence des
confréries ou des marabouts.
Dans le Maghrib de l'ouest, la dynastie nouvelle des
chérifs Saadiens représenta pour les populations un
gouvernement constitué d'après les traditions les plus
pures de l'Islam. Dans les Maghribs du Centre et de
l'Est, des Turcs, aventuriers pleins de génie et d'audace,
se plièrent d'abord aux conditions du parti religieux.
Mais ils ne tardèrent pas à devenir les maîtres et les
protecteurs de ce parti. Ils mirent ensuite l'État qu'ils
avaient fondé sous la protection de la Sublime Porte et
accrurent leur pouvoir de tout le prestige des sultans
de Stamboul.
Turcs et Chérifs devaient fatalement s'entrechoquer.