Sans qu'il soit question de dépasser ou de
mésestimer l'éthique clinique et l'éthique de
la relation soignante, le temps est venu
aujourd'hui de construire une éthique organisationnelle
dans le secteur de la santé. Il
s'agit ainsi d'ajouter à l'éthique de la relation
personnelle celle du travail collectif.
Michel Dupuis contextualise les pratiques et
vise à considérer les situations réelles de
soins, les «soins en situation». D'autres
valeurs apparaissent alors et, avec elles,
d'autres exigences, qui s'inscrivent dans une
politique et une économie des soins.
L'éthique organisationnelle prend notamment
en compte les techniques de management,
les styles de leadership, les politiques
institutionnelles, le climat éthique des
organisations de soins, hospitalières et
autres. Comme Ricoeur l'a montré, on ne
perd rien de l'éthique en visant le niveau
politique et collectif d'organisation. En
passant d'une relation «courte» à autrui à
une relation «longue» aux autres, on
n'abandonne pas le souci de la rencontre
singulière, mais on s'organise pour la rendre
possible à chaque fois que se présente un
nouvel autrui, anonyme, inconnu. Il s'agit
donc toujours de prendre soin de personnes
singulières, mais en visant le collectif qui a
droit à la justice, à la reconnaissance, au
partage des ressources. À ce niveau organisationnel,
le professionnel trouve une position
nouvelle : comme le patient, il a droit,
pour lui-même, à une organisation juste,
motivante, reconnaissante, légitimement exigeante.
L'éthique organisationnelle, c'est le
principe de réalité qui rejoint l'idéal soignant
et qui le réalise, au moins un peu, dans les
conditions concrètes des situations.
Ce livre s'adresse à tous les soignants
confrontés au quotidien aux organisations du
système de santé ainsi qu'à tous ceux qui
les font vivre, décideurs, gestionnaires,
cadres, comme patients.