Le projet de Makey est d'écrire une ontologie. Le programme de
l'ouvrage, composé de 18 chapitres structurés comme une
architectonique, est inaugural, il entend détrôner l'homme de la place
centrale qu'il occupe depuis l'ego cogitans de Descartes, en tant que
maître et possesseur de la Matière. Cette destruction ontologique du
sujet va au-delà de l'existentialisme sartrien et, en un sens, de
l'ontologie heideggérienne, où Dasein reste l'étant cogitans au milieu
des étants, en dépit de la désobstruction qu'il subit. Chez Sartre, le
sujet est condamné à la liberté, à rompre avec la facticité, la déréliction.
Totalité, l'Etre prend ici les noms de Matière et de Dieu. La Matière est
sa propre nécessité, sa propre évolution, par delà l'impulsion de
l'homme. Celui-ci advient par elle, par l'Etre, sous le signe de
l'incomplétude et de la faiblesse. Il n'est pas un être jeté, contingent, et
ne provient pas plus du Néant, mais est le propre produit de la Matière
elle-même. Sa présence est d'abord nécessaire, avant d'être de trop, car
elle dénature et mutile la nature. C'est à recommencer l'entreprise de
la philosophie comme ontologie que nous invite à nouveau Auguy
Makey, par une bravade, une concentration et une vigilance critique qui
portent l'acte de penser dans les sommets vertigineux de l'ontologie,
restée naguère inachevée et inaboutie. Anti-essentialisme, relecture
critique de l'existentialisme sartrien, de la tradition philosophique, le
vitalisme matérialiste de Makey invite à reprendre à nouveaux frais le
projet platonico-hégélien de la transformation du monde par la raison,
en prévenant toute sorte d'optimisme. Doutant à l'avance de son
succès, il nous débarrasse d'une illusion métaphysique tenace. La
raison sera à jamais impuissante à fabriquer un espace qui soit le sien,
favorable et accueillant. D'où le sempiternel calvaire de la raison, son
long traumatisme dans une Matière qui ne veut pas d'elle, et n'attend
rien d'elle. A quoi sert donc l'épopée humaine si notre raison s'enlise
dans la matérialité ? L'Homme, le sublime zéro est un livre-événement.