L'évolution contemporaine de l'islam inquiète ou fascine. Elle implique des millions de croyants, vivant dans des sociétés de "tradition" musulmane en plein bouleversement ou dans des territoires nouveaux profondément "sécularisés" comme la France et l'Europe. Mais souvent manquent les repères provenant de l'intériorité de l'islam qui permettraient d'en observer les permanences et d'en qualifier les recompositions.
Avec ce livre qui combine les analyses sociologiques et l'approche ethnographique. Leïla Babès propose une conceptualisation nouvelle des rapports entre l'islam vécu et l'islam construit. La catégorie de la passion pourrait bien expliquer le besoin de vivre l'émotion religieuse autrement que par l'enseignement doctrinal. Se trouvent ainsi réhabilités la transe ou les dévotions féminines, le culte des saints ou la valeur sacrale du couscous comme don et sacrifice, c'est-à-dire un islam pluriel et multiforme, anthropologique et non théologique.
Comment, en effet, aimer Dieu simplement en accomplissant des observances, sans émotion, sans magie, sans intercesseurs, sans fêtes ? Les distinctions simplistes qui évacuent le soufisme, mais aussi toute la spiritualité de l'islam, sont dépassées par l'évocation des ulama soufis des XVIIe et XVIIIe siècles en Algérie.
Pour Leïla Babès, il importe de garder à l'esprit que l'islam est une religion du croire qui postule le primat du cœur. La contrainte sociale de la morale, de la norme communautaire n'est pas supérieure à l'eschatologie. Religion de la Loi, l'islam reste une religion de l'équilibre, de la mesure, mais aussi de la niyya, la pureté de l'intention. La question de la pratique religieuse est inséparable de la foi, et s'étend au-delà de l'orthopraxie.
Leïla Babès s'engage dans la voie d'une réévaluation des trois grands paramètres de l'islam : la foi, le rite et la loi. Ce livre s'adresse à tous ceux, musulmans ou non, qui s'interrogent sur la relation entre la spiritualité et la norme, sur l'évolution du rapport entre la logique normative de la communauté et les exigences d'une foi universelle et d'une spiritualité en pleine sécularisation.