King Richard II, Coriolanus, King Lear : ce qui réunit ces trois pièces
tragiques de Shakespeare, c'est qu'elles mettent en scène d'abusives
mises au ban. Les abus de pouvoir qui excluent, sans autre forme
de procès, résultent d'un franc-parler, de ce qui est mésinterprété
comme abus de langage et, donc, refus d'allégeance. Mais qu'elles
se manifestent à partir de motifs d'ordre linguistique, ou éthique,
physique voire psychique, ces pratiques relèvent toutes de ce qu'il
est possible de nommer une dynamique de «déterritorialisation»,
laquelle anime la dramatique de l'oeuvre.
Ainsi, en réponse à ces mises au ban, des stratégies de résistance
se mettent en place : riposte frontale et rupture de ban, évoquant
la loi du talion, mais aussi esquive, détour et recours à la ruse.
Participent de ces stratégies de fulgurantes «machines de guerre»
et des glissements identitaires imperceptibles qui, chacun à
leur façon, déjouent l'implacable cartographie des bannisseurs.
Tentent également de la déjouer ceux qui, privés de lieu d'être,
s'évadent mentalement. Or, refuge dans l'imaginaire et égarement
dans une dialectique de l'endurance et de l'épuisement mènent
ceux qui y cèdent à lâcher prise, qu'ils sombrent dans la folie ou
renoncent à la vie.
En interrogeant la pratique de la mise au ban abusive, Shakespeare
nous invite à un questionnement sur la légitimité du pouvoir, mais
aussi sur l'exercice du libre arbitre et sur les limites de l'humain.