
Ce «Qui suis-je?» Mishima entend sortir des ornières du culturellement correct. Il étudie, dans sa «double voie», celui qui se voulait de l'«autre race» - la race solaire opposée à la race lunaire. Il retrace son parcours existentiel, littéraire et métapolitique; de la naissance au sacrifice exemplaire.
«C'est en 1952, sur le pont du navire où j'accomplis mon premier voyage à l'étranger, que j'échangeai avec le soleil la poignée de main de la réconciliation... Le soleil fut désormais mon compagnon sur la grand-route de ma vie. Petit à petit, ma peau a bruni sous son hâle, signe que j'appartenais désormais à l'autre race.»
En 1970, témoignant qu'il fut, selon ses propres équations, un rebelle total à la vision moderne du monde, Yukio Mishima se donnait la mort selon l'ancien rite samuraï du seppuku.
Le geste souverain du plus grand écrivain de la littérature nippone d'après-guerre a beaucoup contribué à le faire connaître hors de son pays, tout en suscitant de multiples et contradictoires interprétations. Excellent connaisseur des littératures occidentales, notamment française, et auteur inclassable au sein de la littérature japonaise moderne, Mishima et son oeuvre constituent le paradoxe d'être simultanément dans et hors du monde
moderne; ils réussissent une critique sans concession de ses antivaleurs, du climat étouffant de «paix souriante aux panses pleines» avec son «bien-être» bourgeois. Mishima lui oppose, radicalement, par son oeuvre et l'exemple de sa vie, les valeurs du Japon traditionnel: conception martiale et sacrificielle, conscience de la dimension tragique de la vie, fidélité au principe impérial et, surtout, défi du bunburyôdô, la «double voie» de l'art et de l'action, l'éthique et l'esthétique, dont la réalisation suprême ne peut aboutir que par la mort consciente et désirée. C'est la nouvelle union du Chrysanthème et du Sabre des anciens samuraï.
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