Obscurités
Fondée sur l'étude du visible, l'histoire de l'art hérite aussi de l'opposition entre lumière et ombre qui, des récits originels aux positivismes modernes, polarise notre rapport au monde et à son étude, et nos imaginaires. Historiens de l'art, artistes et archéologues interrogent ici les développements de la discipline à l'aune du lien entre savoir, positivité et lucidité, d'une part, et non-savoir, négativité et obscurité, de l'autre. De l'usage du noir (couleurs, matériaux) à l'exploitation de conditions de visibilité spécifiques (la pénombre, la nuit), en passant par les objets de la représentation (ombres projetées et colorées, peaux noires), comment approcher l'histoire de l'obscurité ? Cette dernière renvoie enfin aux zones d'ombre de l'histoire de l'art, tant d'un point de vue plastique que méthodologique. Dans quelle mesure avons-nous été et sommes-nous encore aveuglés par la lumière comme par des mythes à certains égards structurants pour la discipline ? Et si la perception ne peut être réduite à la seule visualité, à quoi l'obscurité peut-elle ouvrir la voie ?
Vieille de plus de 250 millions d'années, la faille de Balmuccia est la trace fossilisée d'un séisme de magnitude supérieure à 6 sur l'échelle de Richter. Grégoire Eloy a accompagné les géophysiciens Thomas Ferrand et Alexandre Schubnel (ENS) en 2015 lors d'un voyage d'étude pour cartographier cette faille longue d'une trentaine de mètres. La surface a été divisée en parcelles d'un mètre carré, marquées au sol par les scientifiques, répertoriées, photographiées à hauteur d'homme, puis assemblées. Entre relevé scientifique et prolongement artistique, ces prises de vue ont été mises en pages sous la forme d'un livre d'artiste devenant à son tour outil scientifique : en détachant les pages à l'aide des traits de coupes et en les associant selon leurs coordonnées, tout un chacun peut reconstituer la faille dans son intégralité à l'échelle 1:10.