Si la dernière section de cette édition est la plus ample, c'est
que Valéry continue d'extraire de ses Cahiers des fragments
plus ou moins remaniés pour de nouveaux recueils, Mélange
et Mauvaises pensées qui paraissent tous les deux en 1941, et,
surtout, qu'il décide de rassembler d'anciens petits livres qui
vont permettre la publication des deux célèbres volumes de Tel
Quel. Les années de guerre sont naturellement moins propices
aux commandes, et ses activités de conférencier se trouvent
suspendues jusqu'à la célébration, à la Libération, du deux cent
cinquantième anniversaire de la naissance de Voltaire. Valéry,
membre du Comité national des écrivains, de nouveau président
du PEN Club français, redevient alors pour tous, quelques mois
avant sa disparition, la haute figure des Lettres françaises qu'il
avait été avant-guerre.
La grande oeuvre de ces années est certainement «Mon Faust»,
une pièce de théâtre qu'il entreprend dès 1940 et à laquelle il
continue de travailler de loin en loin. Bien qu'inachevée, il la
fait paraître en deux éditions successives et, derrière la brillante
légèreté de l'écriture et les répliques étincelantes, l'essentielle
lassitude du protagoniste, qui est celle même de son auteur,
assombrit bien des scènes. Puis un autre projet fait retour, celui
d'un recueil de textes à l'identité incertaine : ils suivent la pente
du conte que Valéry préfère au roman. Brossant la figure de
quelques héros singuliers, il reprend des pages ébauchées autour
de 1923, en écrit de nouvelles et rédige un «Avertissement»
pour ces Histoires brisées. Il laisse néanmoins le recueil inachevé,
et c'est donc pour nous plus un dossier qu'une oeuvre.