Dans sa longue diachronie, malgré sa diversité générique,
puisqu'elle est faite de drames, d'essais, de poèmes lyriques et/ou
épiques, de commentaires dont les sujets sont multiples, oeuvres
littéraires, ou picturales, ou sculpturales, ou musicales, objets ou
expériences réels (corps humain, voyages, paysages...), textes
bibliques, l'oeuvre claudélienne, distribuée autour de l'Art poétique
(1900-1905) considéré comme le texte séminal, fondateur d'une
écriture et d'une pratique de la lecture, possède une profonde
unité. Cinq notions dominent la pensée claudélienne, Dieu, la
différence, le manque, le dehors, l'invention de soi. Originellement
puisées dans la Physique et la Métaphysique d'Aristote, et dans la
Somme théologique de Thomas d'Aquin, confrontées aux
philosophies matérialistes de la fin du XIXe siècle et aux poétiques
qu'elles inspirent, ces cinq notions s'accomplissent dans une
pensée de la matière, une physique du mouvement, une poétique
(Art poétique), une écriture poétique (Cinq Grandes Odes),
tendue entre deux tonalités, l'épique et le lyrique, et une écriture
exégétique (Le Poëte et la Bible).