L'extraordinaire destin du christianisme primitif peut s'expliquer à partir
d'une étude psychologique du mouvement lancé par Jésus et ses premiers
héritiers. Le succès d'un petit cercle religieux comme il en existait
tant à l'époque tient à la manière dont les premiers chrétiens ont su intégrer
dans une même communauté des comportements religieux a priori
antagonistes, permettant à la fois de rompre avec les héritages ou de les
respecter : en brisant des tabous, en rejetant son passé et sa famille, mais
aussi en inscrivant sa croyance dans une sagesse traditionnelle. Pour Gerd
Theissen, une psychologie de la religion permet de comprendre les ressorts
de cette diversité. Bien davantage que l'Eglise ultérieure, les textes
du Nouveau Testament offrent un matériau propice à cette lecture : processus
de conversions, miracles, glossolalie, visions, exorcismes et rituels
permettent de mieux connaître les premiers chrétiens et, plus largement,
les mécanismes du comportement religieux en général. Dans cette étude
qui fera date, l'orthodoxie ou l'hérésie ne fonctionnent pas comme critères
de jugement. Ainsi, par exemple, la gnose, si présente aux premiers
siècles, n'est pas réduite à certaines de ses définitions hérétiques traditionnelles
: elle représente une manière très élaborée de traduire dans
un système l'élan mystique du premier christianisme.