«La rue de l'Aléa ne cesse de descendre, en pente douce, dans les deux
sens. C'est très pratique pour patiner. Dommage que l'on ne puisse pas
regarder en même temps les horizons opposés. Ils sont tellement bas que
cela donnerait la sensation curieuse d'une petite planète. Le lundi, la chaussée
en arrive même à se retourner et une pluie de graviers tombe sur le ciel.»
Une bibliothèque, une boulangerie, une boucherie et un bar. On y
trouve de tout, même un local à vendre. Parmi les candidats acheteurs,
il y a Marcel, huit ans, et pas un centime en poche, mais aussi Auto-lumière,
une multinationale distributrice de cinémind, un cinéma où
l'on met sur la tête des spectateurs des électrodes qui projettent leurs
pensées sur l'écran.
«Vous en avez déjà vu ?
- J'ai un cousin qui habite au Japon et qui en a vu quelques-uns, il dit que
ça a changé sa vie, qu'il économise à fond pour y aller chaque après-midi. Et
j'ai lu que d'ici peu, il y en aura partout, que ce sera le boom, et que le cinéma
traditionnel a du souci à se faire. Ça ne m'étonne pas. Imagine : un écran
devant toi et tu peux monter des clips, baiser qui tu veux, avec des acrobaties
incroyables, ou vaincre une armée entière, ou marquer un but historique, ou
n'importe quoi d'autre. C'est toi qui commandes, en temps réel.»
La rue de l'Aléa en est toute sens dessus dessous...