Que veut dire être marginal à San Francisco, dans cette ville où se côtoient toutes les minorités et d’où sont parties tant de modes américaines et même mondiales depuis les années cinquante ? Rien évidemment pour le célèbre Révérend Cecil Williams, le bouillant prédicateur de Glide Memorial Church, l’église des déshérités, qu’on dirait tout droit sorti du campus de Berkeley des années soixante avec sa coiffure afro et sa tunique multicolore. Rien non plus pour Harry Britt, adjoint à Madame le Maire, Diana Feinstein, qui doit moins sa notoriété à son mandat municipal qu’à sa qualité de leader de la très influente communauté homosexuelle de la ville. Rien également pour Laurence Ferlinghetti, l’une des grandes figures de la « beat generation », que l’on trouve toujours dans sa librairie City Lights, prêt à débattre poésie et peinture avec l’amateur de passage. Rien encore pour les fils et filles des ex-hippies de la Bay qui, comme Jerry Soft et Sylvia Ventura, font aujourd’hui de la Silicon Valley le lieu où s’invente notre quotidien des années quatre-vingt-dix. Rien, en fin de compte, pour tous les San-Franciscains que l’on rencontre dans cette ville de rêve, immortalisée par les meilleurs cinéastes avec ses rues escarpées où les belles américaines jouent à saute-mouton entre deux descentes vertigineuses vers la mer. Vivre à San Francisco, c’est vivre comme nulle part ailleurs. Car on va toujours de surprise en surprise dans cette cité cosmopolite où tout est possible, et notamment l’impossible. La ville de toutes les audaces, perle de la Californie, n’a pas fini de nous étonner.

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