Diderot, Balzac, Breton... L'un fut le premier grand critique
d'art : il vient après l'âge des théoriciens académiciens. L'autre fut le
dernier écrivain à jouer un rôle actif dans la «défense et
illustration» d'un courant artistique : il vient avant l'âge des
critiques professionnels et des commissaires. Pendant cette période,
qui fut celle de l'«âge moderne», une certaine idée de la littérature
aura donné un fondement aux «tableaux d'auteurs» : Diderot juge
les peintres, censure et sanctionne leurs tableaux, quand il ne les
refait pas ; Cézanne délivre son «catéchisme esthétique» en
s'appropriant les propos du Frenhofer de Balzac et en s'identifiant à
lui ; enfin, à travers Breton, le surréalisme étend à la poésie et à la
peinture une même exigence existentielle.
Tel est le paradoxe que trament ces portraits littéraires de peintres
à leurs tableaux : précipitant l'émancipation de la peinture, dont
ils consacrent le droit à l'auteur, c'est par l'imaginaire de la
littérature qu'ils libèrent les artistes d'une contrainte d'imitation
littéraire à laquelle les avait soumis la rhétorique classique.
Incessant jeu de miroir, où un art ne s'affirme qu'en se réfléchissant
en un autre, qui le capte.