Depuis deux millénaires, le judaïsme rabbinique a façonné une
image idéalisée d'un temple, pour un dieu et un peuple, propre à
renforcer la cohésion et l'unité d'une communauté déchirée par
les heurts des premier et deuxième siècles de notre ère. Ceci ne
reflète pourtant ni la richesse et la complexité du judaïsme
antique, ni la pluralité des manières d'être, de se sentir, et de
montrer son appartenance. Plusieurs temples furent ainsi
construits alors même que celui de Jérusalem était en service,
par des communautés se réclamant du même dieu, celui d'Israël.
En Égypte, à Éléphantine par des soldats-agriculteurs, à
Léontopolis par un grand prêtre exilé ; sur le Garizim, près de
Naplouse, par les Samaritains, bien avant leur séparation d'avec
le judaïsme de Jérusalem. Aux différents lieux et époques répondent
la même construction, en contradiction formelle avec les
prescriptions bibliques, et la relative tolérance des autorités de la
capitale. Loin d'être aussi marginales qu'on put le penser, ces
trois aventures éclairent un vécu religieux ; leur réexamen, et
une large synthèse tentant d'en comprendre les motivations,
aideront tant les spécialistes que les lecteurs curieux de ce
judaïsme si loin et pourtant si proche.