Le personnage d'Ernest Hemingway est encore plus célèbre que son
oeuvre : le journaliste correspondant de guerre, amateur d'alcool et de
femmes, de corrida, de boxe et de chasse a parfois éclipsé l'auteur et son
génie littéraire. The Sun Also Rises illustre parfaitement ces deux facettes :
récit emblématique de la «Génération perdue», celle des expatriés
américains en Europe dans les années 1920, c'est aussi un roman révolutionnaire
du point de vue de la représentation de la conscience.
Loin des expérimentations sur l'expression de la vie intérieure menées
par ses contemporains James Joyce ou Virginia Woolf, Hemingway privilégie
une écriture apparemment factuelle, qui constitue un paradoxe dans
un récit à la première personne. L'oeil du narrateur fonctionne comme le
regard d'une caméra : la subjectivité de Jake Barnes est donnée à sentir
de façon indirecte à travers le rythme du récit, les détails perçus par le
personnage et les lieux qu'il parcourt. Il en résulte une participation
aiguë du lecteur qui est invité à combler les interstices du texte à partir
de son propre imaginaire. Cette esthétique indirecte de la subjectivité,
qui interroge l'articulation entre la conscience et le réel, fait de The Sun
Also Rises l'une des grandes oeuvres du modernisme.