Cette édition des poésies publiées par Scarron de 1649 à 1652 constitue
un ouvrage posthume du grand spécialiste des mazarinades que fut
le professeur Hubert Carrier (1936-2008). Après avoir consacré une
thèse monumentale à La Presse de la Fronde (Droz, 1989 et 1991), puis
une étude approfondie aux Muses guerrières : les mazarinades et la vie
littéraire au XVIIe siècle (Klincksieck, 1996), suivie quelques années plus
tard d'un Essai sur le débat politique au temps de la Fronde (Champion,
2004), il souhaita en effet compléter cette trilogie déjà considérable
par une nouvelle publication dont le protagoniste n'était autre que
l'auteur du Roman comique et du Dom Japhet d'Arménie, «le malade de
la reine», comme Scarron aimait à se qualifier lui-même. Dans son
introduction, Hubert Carrier ne dissimule pas son intention de prolonger
le travail effectué par Maurice Cauchie qui édita, il y a une cinquantaine
d'années, en deux volumes, les Poésies diverses de Paul Scarron.
Il examine donc ici à la loupe quelques-uns de ces milliers de pamphlets
dirigés contre le cardinal Mazarin qui ont proliféré pendant la minorité
du jeune Louis XIV et apportent à l'historien un précieux témoignage de
par leur richesse et leur diversité, formant un «vaste panorama des
idées en même temps qu'une fresque immense des milieux sociaux et
des moeurs». Hubert Carrier a focalisé son attention sur une quinzaine
de pièces satiriques et burlesques dont la plupart peuvent être attribuées
de façon certaine, probable ou plausible à Paul Scarron, cinq
d'entre elles étant définitivement retirées de son oeuvre poétique. La
célèbre «Mazarinade», qui a donné son nom à toutes les autres, les
«Cent quatre vers», les «Réflexions politiques et morales» ainsi que les
«Triolets de la cour» peuvent être assurément attribués à l'infirme de la
rue Neuve Saint-Pierre (aujourd'hui Villehardouin), qui ne pardonna
jamais à Mazarin d'avoir boudé la dédicace de son Typhon, en 1644. La
critique externe et interne des documents sélectionnés permet à l'auteur
(au-delà des variantes qui en disent long sur l'impression de ces
pamphlets souvent contrefaits ou corrigés sur la forme du typographe)
de discerner le jeu ambigu de Scarron à l'égard du pouvoir et de lire
entre les lignes une page particulièrement intéressante de notre histoire.