Conçu à l'origine comme une postface à la traduction française
de la Théorie de l'avant-garde de Peter Bûrger, ce livre propose de
reconstruire le concept d'avant-garde artistique, en l'inscrivant dans
une théorie critique de l'art contemporain et de ses institutions,
intégrées au capitalisme néolibéral. Pour cela, il interroge les valences
du concept d'avant-garde, c'est-à-dire ses connexions possibles à
d'autres éléments, en examinant la manière dont ce concept s'articule
à des ressources émancipatrices actuelles, au-delà des formes
historiques qui ont été les siennes (futurisme, dadaïsme, constructivisme)
comme des «néo-avant-gardes» de la deuxième moitié du
XXe siècle (pop art, minimalisme, art conceptuel).
Si le projet de dépassement de l'art dans la vie qui fut celui de
l'avant-garde ne peut être transposé tel quel dans notre culture
globalisée, il peut cependant servir
d'analyseur de la situation politique de
l'art. Utilisant à la fois les instruments
de la critique de l'idéologie marxiste
(Herbert Marcuse, Theodor Adorno),
ceux de l'analyse institutionnelle de
René Lourau, et ceux du pragmatisme
esthétique (John Dewey, Nelson Goodman), Olivier Quintyn
évalue la réussite et les échecs des pratiques artistiques qui visent
à critiquer l'«institution Art» (Art & Language, Michael Asher,
Tania Bruguera). Il en tire des conséquences sur le plan philosophique,
en procédant à une analyse approfondie des définitions
institutionnelles de l'art d'Arthur Danto et de George Dickie, et de
leur caractère paradoxalement conservateur.
À l'opposé d'un certain paradigme post-conceptuel spectaculaire
de l'art contemporain, incarné dans les biennales les foires et
les expositions blockbusters (Pierre Huyghe, Anish Kapoor), ces
Valences de l'avant-garde esquissent un modèle de critique ou
d'analyse transinstitutionnelle où l'art sort délibérément de
sa nature instituée pour devenir un laboratoire de formes de
critique sociale réinstituante.