
«Sur les 1 milliard 300 millions d'actifs agricoles que compte
l'agriculture mondiale, quelques dizaines de millions seulement,
soit une infime minorité, disposent d'un tracteur, 350 millions environ
disposent de la traction animale, et près de 1 milliard (les
trois quarts) n'ont qu'un outillage strictement manuel.
«Pour cette immense majorité des paysans du monde, les prix
internationaux sont beaucoup trop bas pour leur permettre de vivre
de leur travail et de renouveler leurs moyens de production,
encore moins pour leur permettre d'investir et de progresser.
Cette concurrence entraîne le blocage de leur développement,
puis leur appauvrissement allant jusqu'à la pauvreté extrême, la
faim, la famine, l'exode rural massif et le gonflement des bidonvilles.»
Tel est le diagnostic du professeur Marcel Mazoyer et de
Laurence Roudart. Et leur collègue, Jacques Berthelot, d'ajouter :
«Non seulement la libéralisation des échanges agricoles affame les
paysans du Sud, mais encore elle marginalise ceux du Nord.»
Les paysans et les paysannes, les «sans-terre», les peuples
indigènes, comptent parmi les premières victimes de la mondialisation
néolibérale. Rien d'étonnant donc à ce que, partout dans le
monde, ils résistent et luttent pour leur survie.
Mais, «qui aurait pu imaginer, à l'ouverture en 1986 du
dernier cycle de négociations du GATT, des fermiers de différents
pays marchant ensemble sur la ville de Punta del Este, qui accueillait
la conférence ?», demande la chercheuse canadienne
Annette Aurélie Desmarais. Or, quelques années plus tard, la
fiction était dépassée par les faits. En mai 1993, avant même la
fondation de l'OMC, des leaders paysans du monde entier se sont
retrouvés unis à Mons, en Belgique, sous la bannière d'un mouvement
paysan planétaire naissant, la Vía Campesina. Sept
mois plus tard, au cours de la phase finale des négociations du
GATT, plus de 5 000 paysans, venus d'Europe, du Canada, des
États-Unis, du Japon, de l'Inde et d'Amérique latine ont marché
ensemble sur le GATT à Genève.»
Depuis lors, les paysans et les paysannes sont à la pointe du
combat contre l'OMC et pour imposer la souveraineté alimentaire.
De tous les continents, certains de leurs leaders, hommes et
femmes, racontent leurs luttes et donnent chair à ce «front
commun Nord-Sud» mis en branle par la Vía Campesina.
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