Je me suis toujours interrogé sur le regard des peintres. Il n'est pas douteux que chacun d'eux voit le monde à sa manière. Corot ne le voyait pas comme Poussin, ni Braque ou Léger comme Delacroix. D'où vient cette différence ? On l'impute à la seule peinture. Elle seule produirait la vision, modifiant le donné au gré d'elle-même, n'obéissant qu'à elle-même. Mais la vision préalable qui guide le pinceau, même si elle n'est qu'intérieure, d'où vient-elle au peintre ? A vrai dire, elle n'est atteinte qu'une fois ce travail achevé. Quelle place pourtant, dans la démarche picturale, reste encore au regard du peintre ?
Dans les textes ici rassemblés, c'est ce que j'ai essayé de scruter, au fil du temps. Parmi les titres de gloire de la peinture, il en est un qu'on ne considère pas assez, il me semble, et qui est, à travers tant d'œuvres diverses dont chacune peut modifier notre regard sur le monde, de nous apprendre à nous-mêmes, patiemment, à voir.
R.M.