Pour avoir été dédiées à la découverte et à la science, les
grands voyages de découverte autour du monde du XVIIIe
siècle ont acquis un immense prestige. Au lendemain des
guerres napoléoniennes, la Marine française tente de
renouer avec cette tradition. De grands marins comme
Freycinet, Dumont d'Urville ou Dupetit-Thouars partent
alors sur les traces de Bougainville et de Lapérouse.
Le monde a cependant changé. De 1815 à 1845, les
ambitions coloniales renaissent. L'océan Pacifique, qui
reste un réservoir de mythes et de rêves pour les Européens,
devient simultanément un terrain de convoitise. Il faut répondre à la fois
aux normes modernes de précision et aux impératifs géostratégiques qui se modèlent
dans cette partie du monde. En 1842, la mainmise française sur les archipels
des Marquises et de Tahiti donne aux reconnaissances géographiques une orientation
coloniale soudain explicite.
C'est l'histoire encore méconnue de ces voyages océaniens, où les visées impérialistes
se mêlent aux objectifs scientifiques, qui est ici racontée. Quels étaient les
objectifs politiques et les visées scientifiques de ces explorations ? Que faisaient au
juste les voyageurs sur le terrain ? Quels nouveaux savoirs géographiques ont-ils
élaboré ? Quel usage a-t-on fait des informations rapportées ?
Helène Blais montre comment la curiosité géographique et les ambitions coloniales
s'articulent de façon inattendue et parfois ambiguë. Les marins comblent les
blancs de la carte, donnant ainsi naissance à des géographies du Pacifique qui se
distinguent par leurs usages et leur réception. Mais au-delà, ces voyages au Grand
Océan font apparaître, à travers le choix des échelles et les découpages internes, les
différents facteurs qui président à l'invention d'un territoire dans un contexte d'expansion
coloniale.