«Sans Canetti, monde dépourvu de sens, avec Canetti,
interminable supplice» : ces mots de Marie-Louise von
Motesiczky dans une lettre à une amie résument à eux seuls
la relation amoureuse qu'elle entretint avec le Prix Nobel
de littérature. Une relation clandestine d'un demi-siècle,
vécue dans l'ombre de son célèbre «amant sans adresse».
Marie-Louise von Motesiczky et Elias Canetti se rencontrent
à Londres en 1941. Issue de l'aristocratie
intellectuelle juive, peintre de premier plan, elle a dû fuir
Vienne. Contraint au même sort, Elias Canetti, qui vient
de publier Auto-da-fé, a quitté l'Autriche nazie aux côtés
de sa femme Veza.
Cette correspondance inédite témoigne d'une relation
cruelle et poignante, où les espoirs déçus de Marie-Louise
rivalisent avec la soif de reconnaissance de Canetti. S'il
ne cessera d'encourager son talent de peintre, l'écrivain ne
mentionnera jamais l'existence de sa maîtresse, ni dans ses
récits, ni dans ses mémoires. Marie-Louise von Motesiczky
ne doutera quant à elle jamais du génie de celui qu'elle
désigne avec une terrible lucidité dans son journal intime
comme sa «catastrophe personnelle.»