«Jamais sans doute ce roman ne serait aussi beau qu'en cette minute où pas une ligne n'en était encore tracée, où tous les espoirs n'étaient permis devant ce sublime papier vierge. Son éclat immaculé transfigurait l'humble chambre qui m'abritait. C'était là que je serais le maître du temps et de l'espace, mon propre maître, le maître de tout, sauf des fantômes que j'allais créer.»
En son temps, seuls quelques happy few - Léon Daudet, Edmond Jaloux, Paul Morand - surent déceler sous le masque du romancier à succès un écrivain secret, rare et confidentiel; à côté des romans exotiques aux paysages enchanteurs, peuplés d'héroïnes fabuleuses, des oeuvres intérieures, profondes, mystérieuses, plongeant leurs racines dans le terroir et dans l'opacité de l'être humain.
Ce Benoit (Qui suis-je?) présente cet homme de lettres loué pour son «professionnalisme» comme le conteur habile et captivant qu'il fut, le probe artisan de l'écriture, mais aussi comme le poète épris de symbolisme, l'adulateur ambigu du «sublime génie féminin», l'admirable peintre des payssages naturels et des paysages de l'âme.
Peu de personnalités sont aussi ambivalentes et complexes que celle de ce bon vivant, «charmant garçon» et fin gastronome, porté par une nature douloureuse au pessimisme et à la misanthropie - grand voyageur enraciné dans son terroir, maurrassien fasciné par l'Allemagne. Ce «confectionneur de romans de gare», doté d'une immense culture littéraire, a écrit, mine de rien, quelques-uns des plus beaux romans de notre langue...
Illustration de couverture d'après un cliché noir et blanc