Comment se fait-il que les arbres ne nous parlent plus ? Que le
soleil et la lune se bornent désormais à décrire en aveugle un
arc à travers le ciel ? Et que les multiples voix de la forêt ne
nous enseignent plus rien ? À de telles questions répondent le plus
souvent des récits qui aboutissent à faire de nous, «enfants de la
raison», ceux qui ont su prendre conscience de ce que les humains
étaient seuls au sein d'un monde vide et silencieux.
Les peuples de tradition orale - Hopis, Apaches, Koyukon,
aborigènes australiens, habitants du Népal ou de la jungle amazonienne
- savent qu'il n'en est rien. Le parcours et le travail d'enquête
passionnants que David Abram rapporte ici leur donnent raison.
Plutôt qu'une prise de conscience, ce qui nous est arrivé serait
de l'ordre d'une brutale mutation écologique, qui a interrompu la
symbiose entre nos sens et le monde.
«Manifestement, quelque chose manque - manque terriblement»,
comme en témoigne la manière dont nous maltraitons et la terre et
nous-mêmes. Toutefois, ce n'est pas l'ancien pouvoir d'animation
des choses qui s'est tari. Ne sommes-nous pas témoins de scènes
étranges ? N'avons-nous pas des visions ? Ne faisons-nous pas
l'expérience d'autres vies... lorsque nous lisons ? Et si la magie
vivifiante de nos sens avait été capturée par les mots écrits ?
Les mots de David Abram possèdent cette magie, mais surtout
ils réactivent l'expérience d'un monde au présent. Ce monde
alentour qui, en sourdine, continue à nourrir nos manières de penser
et de parler, de sentir et de vivre.
Parce que la terre parle...