Au milieu des années soixante-dix, Eraserhead fait figure d'ovni dans le paysage cinématographique et marque les débuts fulgurants d'une oeuvre étrange qui se poursuit depuis plus de trente ans, ponctuée de films-cultes comme Blue Velvet, Sailor et Lula, Lost Highway ou, plus récemment, Mulholland Drive, et jusqu'au récent Inland Empire, et d'une série, Twin Peaks, qui surprend et séduit les cinéphiles à l'orée des années quatre-vingt-dix et devient un modèle pour la production télévisée à venir.
Les films de David Lynch sont habités par une puissance sensorielle exceptionnelle, d'ordre musical aussi bien que plastique ou rythmique, qui emmène le spectateur dans des zones encore souvent inexplorées. Le réalisateur ne renonce pas pour autant à nous raconter de fabuleuses histoires, même s'il bouscule la logique du récit pour mieux nous désorienter et mettre ainsi tous nos sens à l'affût. Cinéaste hollywoodien, il se place volontairement en marge du système des studios dans un geste subversif qui le met dans une situation d'extraterritorialité lui permettant de transcender les frontières, les genres, les disciplines. Musicien, peintre à qui la Fondation Cartier n'a pas hésité à confier une grande exposition à Paris en 2007, il occupe une place inédite, celle d'un artiste aux dons multiples pour qui le cinéma est le creuset d'un art total se déployant sur les différents plans d'un monde, le Lynchland, auquel nous initie cet ouvrage.