Haroon a quitté la Libye sur un petit bateau avec à bord vingt-six
autres personnes, dont un bébé de huit mois, Yaya : «l'enfant ne
pleurait pas : quatre jours de traversée, il n'a pas pleuré, jamais.
Deux hommes âgés pleuraient sans cesse, nous allons mourir, ils
disaient, et ils pleuraient, mais lui ne pleurait pas. Nous sommes
arrivés en Sicile, on nous a dit : quelle honte d'avoir pris de tels
risques avec un enfant ! En Italie, les gens te regardent comme si
tu n'étais pas un homme, tu vois le mépris sur leurs visages. Je
ne pouvais pas rester. Je suis arrivé à Calais en octobre 2009.
J'ai vu comment vivaient les étrangers, ils vivaient dans la rue.
J'ai décidé de partir, d'aller en Angleterre. Pendant deux mois
et dix jours, toutes les nuits, j'ai essayé : je voulais passer.
Ceux qui n'essaient pas tous les soirs s'habituent à vivre là et
n'essaient plus. Je suis passé en Angleterre le 14 décembre 2009.
Le 10 mai 2010, j'ai été expulsé en France. À l'aéroport Charles de
Gaulle, ils m'ont dit : tu es libre. Je suis libre ? Je n'ai nulle part où
aller ! Je suis retourné à Calais.»
Dix ans après la fermeture du camp de Sangatte, des
centaines d'hommes et de femmes vivent à Calais et
sur le littoral dans des hangars à l'abandon, dans des
campements dans les zones industrielles, dans des
cabanons sur les plages, sous des abris de toile de
bâche dans les champs.
Après deux ans de terrain dans les squats et les jungles,
Marion Osmont raconte le parcours et le quotidien
de ces exilés, et invite à une réflexion sur le droit
d'asile en Europe.